L'usurpatrice récompensée

par Michèle Anne Roncières

Première Partie

Cette histoire-là, ce n'est pas moi qui vais vous la raconter: je cède en effet la plume à une copine qui a beaucoup plus d'humour que moi... (comment ça, 'c'est pas difficile' ? MAR)

Bonjour. Je m'appelle Sylvie et je suis l'une des plus vieilles amies de Michèle-Anne Roncières. Enfin, "vieille", c'est une façon de parler, je n'ai pas 90 ans ! Je veux dire par là que Michèle-Anne et moi nous nous connaissons depuis très longtemps.

Depuis la crèche, en fait. Je devais avoir 18 mois quand j'ai vu MA pour la première fois. Elle était moins brune que maintenant parce qu'on ne fait pas de perruques pour bébés. Oh et puis quand je dis que je l'ai "vue", c'est un peu inexact: je l'ai entendue, voilà la vérité. Et je n'étais pas la seule: toutes les puéricultrices de la crèche l'entendaient aussi, malgré les mains qu'elles se plaquaient sur les oreilles. Et les voisins, malgré le coton qu'ils avaient mis au même endroit. Et peut-être aussi tout le quartier.

Pour tout vous dire elle était en train de faire un caprice pour avoir une couche de fille au lieu d'une couche de garçon (les subtilités techniques lui échappaient peut-être encore un peu à cet âge-là, mais elle voulait du rose au lieu du bleu et voilà ce qui comptait ! Vous savez comme elle est : gentille, mais… têtue !).

Moi j'ai trouvé qu'elle était vachement gonflée et, par solidarité, je l'ai aussitôt soutenue (c'est comme ça que nous avons sympathisé) en déclenchant une grève des petits pots de Blédine reconductible et illimitée, qui ne prit fin que le soir même après une râclée de nos pères respectifs, auprès desquels ces salopes de puéricultrices étaient allées cafarder. Mais nous avions quand même ainsi échappé à trois prise de Blédine chacune, et c'était toujours ça.

De nombreux traits du caractère si spécial de MA remontent d'ailleurs à cette époque: Ainsi quand elle était tombée amoureuse de Martine, une petite fille de 15 mois qui lui faisait de grands sourires en échange desquels MA lui donnait en douce une partie de ses biberons... On était très surveillées, mais à cet âge on régurgite encore beaucoup... et leurs bécots tenaient donc plus de l'alimentaire que du baiser amoureux ! Ca a duré jusqu'à ce que Martine découvre qu'en faisant les mêmes sourires à un grand de 28 mois elle pouvait avoir un dessert en plus (MA n'a jamais laissé son dessert à personne). Comme vous le savez, MA l'a plutôt mal pris puisque ça va faire quarante ans qu'elle me bassine avec ça (Pour vous ça doit faire un peu moins !)... Vous savez comme elle est : gentille, mais… un peu radoteuse !

Mais je m'égare: je vous racontais tout ça juste pour me présenter... Ce que je veux vous raconter, c'est que c'est grâce à MA et à une de ses astuces fabuleuses dont elle est coutumière que j'ai gagné mon divorce.

C'était voici quelques années: sans que cela n'ait rien à voir avec mon travestisme, qu'elle ignorait d'ailleurs, ma femme jugea bon un jour de m'aviser, par un mot collé sur la porte du frigidaire, que les nécessités de son épanouissement et de l'accomplissement de sa vie de femme l'obligaient à se faire désormais sauter par mon meilleur ami (qui venait, par pure coïncidence, d'hériter d'un oncle d'Amérique) et qu'elle partait vivre avec lui (parce que ça serait plus commode pour l'aider à dépenser son bon gros tas de pognon tout neuf).

Bien entendu, j'avisai aussitôt MA de la nouvelle, qui fut la première à l'apprendre.

Je dois lui rendre cette justice: elle aurait très bien pu me dire "Tu vois, je te l'avais bien dit, ce sont toutes des ... ( Vous savez comme elle est : gentille mais… légèrement misogyne !) " Mais non. Au lieu de cela, elle se contenta de me souffler un "Ah, je te l'avais bien dit, que c'étaient toutes des ... !", qui était quand même un peu plus réconfortant et moins triomphateur (Un peu, seulement).

-"Oui, je reconnais que tu avais raison", concédai-je." Mais alors, tu dois avoir raison aussi sur la suite du programme ?"

-"Ben oui", me dit-elle. "Cette salope va te piquer tes mômes, ta maison et ton fric, même si elle vit maintenant avec un milliardaire: les femmes considèrent généralement ça comme un dédommagement pour le martyre qu'elles ont enduré en consentant à s'accoupler avec un homme".

Je restai consternée par une telle perspective.

-"MA, au secours ! Toi qui connais tant de trucs... Sauve moi !" Implorai-je avec un brin de flagornerie.

-"Pas question !", fit sa réponse immédiate. "Fallait y penser avant ! Ca t'apprendra à faire confiance à une femme !", répliqua t'elle encore non sans bon sens.

D'autres que moi se seraient offusquées d'une telle fin de non-recevoir. Mais moi, la MA, ça fait quarante ans que je la pratique: elle peut dire ce qu'elle veut, elle a beau dire, je sais bien qu'elle ferait n'importe quoi pour une vraie copine. Sans compter qu'elle adore se faire prier... Vous savez comme elle est : gentille, mais… un peu star !

-"Alllleeeeeeeeeez, MMMMMMMAAAAAAAA... S'il te plaîîîîîîît... Toi qui as si bien roulé le Diable, comme tu l'as raconté dans une autre de tes histoires... Tu peux certainement me tirer des griffes d'une femme ?"

-"Oh là là ! C'est pas du tout comparable ! le Diable est un enfant à côté d'une femme ! Remarque... tu me donnes une idée... Il y a peut-être un moyen... C'est quand l'audience ? "

-" Demain à 10 heures "

-" Ah oui… Pour changer de mec les femmes aiment bien que ça aille assez vite... Ecoute… tu n'as pas le choix : Prends moi comme avocate !"

-"D'accord, MA... tout ce que tu veux ! Je t'en serai éternellement reconnaissante... Tiens, je te rendrai même la guêpière rouge qui te faisais perdre 20 kg et que tu as piquée à D..."

-"C'était toi qui l'avais ?!?!"

-"Oui, tu ne m'en veux pas ?"

MA raccrocha sèchement... Vous savez comme elle est : gentille, mais… un peu soupe au lait ! Mais je savais que j'étais tirée d'affaire et je me couchai le plus sereinement du monde.

(Fin de la première partie)

Michèle Anne Roncières, auteur et propriétaire de ce texte, s'en réserve, sauf accord express de sa part, tous les droits pour tous les pays et notamment en ce qui concerne les modifications ou la réécriture, totale ou partielle, ainsi que pour toutes les formes de diffusion et d'exploitation

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